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20 juillet 2013 - Par Au fil des mots et de l'histoire

 

 Le 16 juillet 1465 – La bataille de Montlhéry dans EPHEMERIDE MILITAIRE la-bataille-de-montlhery-150x150

 

La bataille de Montlhéry

D’après « Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français » – 1822

 

Le comte de Charolois, mécontent de la restitution des places de Picardie, se lia avec le duc de Bretagne, qui venait de se brouiller avec le roi, parce que celui-ci s’opposait à ses injustes prétentions.

Les ducs de Bourbon, d’Alençon, de Calabre ( Jean d’Anjou, fils du duc René), de Nemours, les comtes de Saint-Pol, de Dunois, et la plupart des seigneurs que Louis XI avait dépouillés de leurs charges et emplois au commencement de son règne, se réunirent bientôt aux deux princes bourguignon et breton, et entraînèrent dans leur parti le duc de Berri, frère du roi, dangereux par la faiblesse de son caractère qui le rendait souple aux impressions de la cabale.

Tout à coup, celle-ci se déclara ouvertement, et, s’organisant en révolte, sous le prétexte ordinaire de réformer l’état et de soulager les peuples, elle couvrit ses desseins du nom spécieux de ligue du bien public.

On arma de tous côtés. Le comte de Charolois fit une levée de quatorze cents hommes d’armes et de dix mille archers. Ala tête de ces troupes, mal armées et peu exercées (parce que le duc Philippe-le-Bon, père du comte, n’avait point voulu entretenir de compagnies permanentes, pour ne pas charger ses peuples de cette dépense), le jeune prince, entra sur le territoire français, s’empara de Nesle, de Roye, de Montdidier, de Pont-Sainte-Maxence, traversa l’Oise et la Marne, reçut Lagny à composition, prit Saint-Denis de vive force, et vint camper sous les murs de Paris.

Cependant Louis XI, justement alarmé de la lutte qu’il allait soutenir contre des adversaires si puissants, avait consulté le duc de Milan, François Sforce, avec lequel il s’était lié intimement n’étant encore que dauphin. Le duc répondit qu’il fallait montrer la résolution de combattre avec vigueur, mais n’avoir recours qu’à des négociations, dans lesquelles le roi promettrait tout. « Vous verrez ensuite, ajoutait-il, ce que les circonstances vous obligeront de tenir », conseil très convenable à la politique artificieuse du souverain français, et que celui-ci s’empressa de suivre.

A la tête de l’armée qu’il avait d’abord rassemblée contre le duc de Bretagne, Louis s’assura du Berri, avant que cette province ne fût en mesure de lui résister, et marcha ensuite sur le Bourbonnais. Le duc Jean de Bourbon, pris au dépourvu, demanda à traiter. Le roi, à la prière de la duchesse sa sœur, accorda une trève au duc, qui promit de faire tous ses efforts pour disposer ses alliés à la paix, et qui manqua bientôt à sa parole.

La résolution prise par le roi d’éviter, autant que possible, les engagements sérieux avec les principaux chefs de la ligue, devenait d’une exécution difficile, en présence d’un ennemi aussi entreprenant que le comte de Charolois. Celui-ci venait de sommer Paris, où le maréchal Rouhaut de Gamaches s’était jeté, après avoir opéré sa retraite devant l’armée bourguignonne, que la faiblesse de ses troupes ne lui permettait point d’attaquer.

Voyant que ce secours faisait échouer sa sommation et toutes ses intrigues, le prince bourguignon essaya d’enlever les barrières du faubourg Saint-Denis ; il fut repoussé avec perte. Cet échec le rendait irrésolu de continuer le siège, ou d’aller au devant des autres chefs de la ligue, qui devaient joindre leurs troupes aux siennes. Mais le conseil du comte de Saint-Pol le décida à passer la Seine à Saint-Cloud, pour se porter contre l’armée qui s’avançait alors vers Paris.

Bien que les forces qu’il avait réunies fussent au moins aussi nombreuses que celles du comte de Charolois, le roi ne se serait point déterminé à ce mouvement sur la capitale, s’il n’eût craint l’arrivée du duc de Bretagne, alors en marche pour opérer sa jonction avec les Bourguignons.

Persistant dans la résolution de n’attaquer ni le comte, ni le duc, Louis ne voulait que gagner Paris, parce qu’il jugeait ce poste plus favorable à la réussite de ses menées et artifices, pour semer la division parmi les chefs de la ligue.

Il avait mandé au maréchal de Gamaches de venir à sa rencontre avec ses troupes, et il était décidé, en cas d’échec (s’il faut en croire quelques historiens), à faire sa retraite jusqu’en Suisse ou en Italie, auprès du duc de Milan, son ami. D’autre part, le comte de Charolois, informé de l’approche des troupes bretonnes, s’était arrêté à Longjumeau, pour les attendre, et avait donné l’ordre au comte de Saint-Pol, posté à Linas avec l’avant-garde, de ne rien hasarder et de se replier sur le gros de l’armée, en cas d’attaque de la part des troupes royales.

Celles-ci, ayant marché toute la nuit du 15 au 16 juillet, arrivèrent au bourg de Châtres, au point du jour. Le sénéchal Pierre de Brézé, qui commandait l’avant-garde, ne donna point au comte de Saint-Pol le temps d’exécuter le mouvement rétrograde prescrit. Les Français, après avoir défilé précipitamment dans la plaine de Linas, par le bois de Torfou, se présentèrent devant l’avant-garde bourguignonne.

Le comte de Saint-Pol ne put que ranger sa troupe en bataille dans la plaine, vis-à-vis Châtres, en prenant d’ailleurs toutes les mesures nécessaires pour couvrir le front et les ailes de la ligne ennemie. De son côté, le comte de Charolois, informé de la présence de l’armée française, accourut en toute hâte pour prévenir l’attaque de son avant-garde.

Pendant ce temps, l’armée royale eut tout le loisir de se former derrière un large fossé, bordé d’une haie qui le séparait des Bourguignons. Nous avons dit que le sénéchal de Brézé commandait l’avant-garde : le roi conduisait le corps de bataille ; l’arrière-garde était sous les ordres du comte du Maine. Les deux derniers corps, arrivés sur le champ de bataille, se mirent en ligne avec le premier, de sorte que le sénéchal tenait la droite, le roi le centre, et le comte du Maine la gauche.

Les deux armées passèrent toute la matinée à s’observer sans en venir aux mains. Le comte de Charolois avait d’abord fait mettre pied à terre à toute sa gendarmerie. Mais bientôt après il changea d’avis, et la fit remonter à cheval, à l’exception de quelques anciennes compagnies, qui furent destinées à soutenir les archers de pied.

L’armée royale n’avait avec elle que fort peu d’artillerie ; celle des Bourguignons, plus nombreuse, commença à tirer, et enleva quelques files dans les rangs opposés.

A une heure après-midi, le prince bourguignon, qui jusqu’alors avait espéré que les Français prendraient l’initiative de l’attaque, et qui, dans ce cas, comptait beaucoup sur les retranchements qui couvraient le front de sa ligne, prit enfin le parti d’ébranler ses troupes.

Celles-ci, au lieu de traverser, en plusieurs reprises (ainsi qu’elles en avaient reçu l’ordre), l’espace qui les séparait de leurs adversaires, firent le trajet tout d’un élan, et sans reprendre haleine. Bien que la rapidité de cette course sur un terrain embarrassé de moissons, eût mis quelque désordre dans sa colonne, le comte de Saint-Pol engagea avec l’aile droite française un combat si vif, que le sénéchal de Brézé fut tué dès le premier choc. Le roi accourut au secours de cette division avec une partie du centre.

Les assaillants, mis en désordre, lâchèrent pied, et prirent la fuite jusqu’aux charriots et autres retranchement, dont ils avaient couvert leur ligne dans la matinée.

Mais tandis que le roi mettait ainsi en désordre l’aile gauche ennemie, le comte de Charolois avait attaqué et enfoncé le centre de l’armée française, affaibli, comme on l’a vu, pour soutenir l’aile droite. La défaite de ce centre fut complète. Le comte poursuivit les fuyards plus d’une demi-lieue au-delà de Montlhéry.

Il se croyait assuré de la victoire, lorsqu’on vint lui dire que les Français, après avoir complètement battu son aile gauche, avançaient pour le prendre en queue, et que, s’il tardait un instant, il allait se trouver enveloppé.

Le roi cependant, après la défaite du comte de Saint-Pol, s’était porté sur l’aile droite des Bourguignons, avec laquelle Charles d’Anjou, comte du Maine, se trouvait aux prises. Le succès fut quelque temps douteux. Mais Saint-Pol, ayant rallié une partie de ses troupes dans le bois de Torfou, et étant revenu à la charge sur le seul point où l’on combattit alors, fit tourner la chance en faveur de son parti.

Un grand nombre des archers écossais de la garde du roi périt en défendant Louis XI, qui eut son cheval tué sous lui. Cet accident acheva de rompre les troupes royales, qui crurent le monarque mort. Ce qui restait de ses gardes, faisant un dernier effort, l’environnèrent, le relevèrent, et le transportèrent sur leurs bras jusqu’à Montlhéry.

Le roi et ce petit nombre de combattants étaient dans la tour de Montlhéry, lorsque le comte de Charolois passa devant en revenant de la poursuite des fuyards du centre. Mal accompagné en ce moment, ce dernier aurait difficilement échappé, si, au lieu de détacher contre lui une vingtaine d’archers de la garde, Louis XI eut fait sortir tout ce qui se trouvait de troupes auprès de sa personne.

Toutefois le prince bourguignon, attaqué par les archers français, vit tomber à ses côtés la plus grande partie de son escorte. Blessé lui-même à la gorge, il allait être pris, et déja le bailli de Chaumont lui criait : « Rendez-vous, monseigneur, je vous connais bien, ne vous faites pas tuer », lorsqu’un homme de sa suite, nommé Robert Cotereau, fils de son médecin, monté sur un bon cheval, fondit sur les assaillants, les renversa, et dégagea le prince, qui, peu de temps après, fit chevalier son libérateur.

Le comte du Maine, au moment de la disparition du roi, s’était enfui du champ de bataille avec environ huit cents hommes qui lui restaient. Le désordre était le même dans l’autre parti.

Français et Bourguignons se tournaient le dos, à qui courrait le plus vite, les uns et les autres croyant et disant partout sur leur chemin que leur prince avait perdu la bataille et la vie.

La perte fut à peu près la même dans les deux armées. Les Bourguignons, restés maîtres du champ de bataille, y passèrent la nuit, et gagnèrent ensuite Etampes pour y déposer leurs blessés et leurs malades, et attendre dans cette position l’arrivée des troupes du duc de Bretagne. Le roi, de son côté, marcha sur Corbeil avec ce qu’il put réunir de ses troupes, et de là vint à Paris.

Pour mettre les habitants de cette capitale dans ses intérêts, Louis XI s’empressa de prononcer l’abolition d’un grand nombre d’impôts, de rétablir les privilèges de la ville, d’appeler au conseil d’état six bourgeois, six membres du parlement, et six de l’université. Assuré des dispositions des Parisiens, il alla ensuite retirer de la Normandie les troupes qui n’y étaient pas strictement nécessaires, et en renforça son armée.